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Trois poèmes

pour soprano et piano

jeudi 13 janvier 2011, par Valentin.

Trois courtes mélodies pour soprano et piano, principalement rédigées à l’automne 2004.

Très simple et peu exigeante techniquement, l’écriture de ces trois pièces brèves se réfère délibérément à ce genre aujourd’hui suranné1 qu’est la mélodie française. Cette partition n’a jamais été créée, ni même déchiffrée.

Trois poèmes pour soprano et piano
Licence CC-by-sa © Edwige Hudson, 2004 & Valentin Villenave, 2004-2010

Historique et description.

Première partie

[Avec de vrais morceaux de règlement de compte dedans.]

[Cliquez pour déplier.]

Avertissement : comme toujours, les quelques indications qui suivent ne sont livrées qu’à titre de curiosité, et ne sont pas nécessaires à la compréhension de la partition !

Autant le dire, l’année scolaire 2003-2004 s’est mal terminée pour moi.
À dix-neuf ans, j’avais connu une première réussite modeste en parvenant à créer mon ouverture pour deux pianos, j’avais passé plusieurs mois enrichissants et excitants à accompagner (d’ailleurs très bien) tout un tas de gens dans tout un tas de disciplines ; enfin mon concours de piano s’annonçait sous les meilleurs auspices, avec un programme qui me convenait tout à fait (Haydn/Bartok), et que j’interprétais d’une façon très personnelle — mais tout d’un coup, vers la fin du mois de juin...

Tout d’un coup, patatras. Plus personne ne semblait vouloir me voir au conservatoire de St-Maur, qui avait été pour moi une vraie famille pendant plusieurs années ; au motif que j’avais demandé à être payé pour quelques heures d’accompagnement, le directeur Jean-Pierre Ballon m’expliquait soudain — après avoir chanté mes louanges pendant quelques années — que je n’étais « pas assez dévoué pour être un bon accompagnateur »2... mais le pompon était encore à venir : à l’issue de mon concours de piano3, j’eus la surprise de m’entendre dire — textuellement ! — par le président du jury (un sombre individu du nom d’André Cauvin), qui n’avait manifestement pas apprécié ma prestation : « il y a une manière de jouer une œuvre ». Cet instant précis constitua la fin de mes études de piano.

Bref, un monde s’était écroulé. Pendant plusieurs mois je n’ai plus écrit une seule note de musique — À cette même période, je cessai de fréquenter le compositeur Éric Tanguy, qui faisait alors ses débuts comme professeur de composition au conservatoire du XIIe arrondissement de Paris, dirigé par Jean-Michel Ferran (pour qui je n’ai pas non plus de sympathie débordante).

[Fin des règlements de comptes.]

Deuxième partie

[Du texte, et de ce qui s’ensuivit.]

[Cliquez pour déplier.]

De tels « blocages » arrivent, je crois, de manière chronique, particulièrement après la fin d’une époque (qu’elle se conclue par un succès ou, à plus forte raison, par un échec), et particulièrement dans une situation d’isolement — telle que la période dont je parle, ou encore la période qui a suivi la création de mon opéra en 2009. Et de fait, j’avais moins besoin de quelque chose à écrire que de quelqu’un pour qui écrire.

C’est un soir d’octobre 2004, où j’étais allé rendre visite à ma compagne (je ne l’avais pas vue depuis longtemps), qu’elle mentionna l’air de rien qu’elle avait écrit quelques poèmes — mais, bien évidemment, qu’il était hors de question qu’elle me les montre. « D’abord c’est mauvais », disait-elle, « et puis c’est une espèce de sous-sous-sous Rimbaud » (à l’époque, elle consacrait ses études universitaires à Rimbaud). Pour l’amadouer4, je répondis du tac au tac : « Montre-moi tes poèmes, et je les mettrai en musique ». C’est ainsi que je subtilisai ses textes.

N’étant sensible à la poésie sous aucune de ses formes, je ne suis pas en mesure de juger de la valeur de ces textes. En revanche, le deuxième en particulier, me sembla dicter un mouvement et un rythme dès que je le lus. Ayant attrapé (de justesse) le dernier RER, je me mis au travail dès mon retour chez moi, tard dans la nuit.

Le lendemain matin, je réveillai avec en tête une idée harmonique, hum, assez particulière...

Troisième partie

[Où l’on aborde enfin le vif du sujet.]

[Cliquez pour déplier.]

L’accord le plus laid du monde
vous est fièrement présenté par Valentin Villenave.

C’est moche, non ? C’est le but : comme vous l’aurez peut-être remarqué, cet accord est construit entièrement avec des septièmes majeures et des neuvièmes mineures ; si l’on admet que l’octave est l’intervalle le plus consonant, ces deux intervalles qui en sont chacun séparés par un demi-ton, peuvent être décrits comme les deux intervalles les plus dissonants du langage tempéré.

Me voilà donc, un matin d’octobre 2004, à taper sur mon piano avec cet accord, transposé, retourné, et ainsi de suite : c’est cela que je veux écrire, me dis-je, fini les modes mous et les accords gentillets, finie la soupe consensuelle, enfin de la musique qui cogne et qui fait mal !

Cet accord se retrouve donc mesure 26 de la première pièce, mesures 21 à 31 de la deuxième pièce (la troisième pièce faisant intervenir un accord similaire quoiqu’un peu moins laid, construit en tritons et septièmes majeures, mesures 15 à 23) ; il se retrouve également dans la section centrale du concertino que j’ai rédigé peu après cette pièce, et un peu plus tard, dans certains passages de mon premier opéra (par exemple au début du troisième tableau, le « duo du pal »).

Dans ce même état d’esprit, le motif 1-2-3 que j’évoquais dans ma pièce plus ancienne pour flûte et piano, revient ici de façon beaucoup plus sombre (mesure 24, première pièce), dramatique (mesure 3, deuxième pièce) ou agressive (mesures 12 à 17, même pièce).

Oui, mais sauf que.

Quatrième partie

[Où tout est mal qui finit bien ?]

[Cliquez pour déplier.]

Sauf que, en relisant ces pièces aujourd’hui, ce qui me frappe n’est certes pas un sentiment d’audace et de méchanceté... bien au contraire.

Même si elles ont été le moteur de l’écriture de cette partition, mes aspirations sauvages et révolutionnaires n’y ont guère laissé de traces. À part les quelques fragments que j’évoquais plus haut, les couleurs harmoniques utilisées dans l’ensemble sont beaucoup rassurantes et polarisées : mode 3.1, superpositions d’accords parfaits (telles que j’en utilisais volontiers quelques années auparavant, notamment dans ma pièce In einem unbestimmten Licht dont la première de ces trois pièces contient quelques traces), harmonies de quintes et de quartes (parfois avec tritons ajoutés, cf mesures 32 à 37 de la deuxième pièces, écriture que j’ai utilisée dans l’« air de la Reine » de mon opéra ou encore dans mes petits duos)...

L’écriture rythmique est également très simple (l’effet le plus « sophistiqué », si je puis dire5, étant les trames en trois pour deux que donne le piano dans la première pièce). J’ai d’ailleurs réécrit plusieurs fois ces pièces (à l’exception de la troisième, que j’avais conçue en 2004 mais sans rien écrire, et que j’ai rédigée d’une seule traite plusieurs années après) uniquement pour trouver les chiffres de mesure les plus simples possibles.

Quant à la partie de chant, c’est encore plus net : elle est écrite sans aucun geste vocal anti-naturel, et avec une intonation relativement peu tordue. Ce qui ne veut pas dire qu’elle soit nécessairement facile à chanter, en particulier par une élève de conservatoire : même si l’écriture reste beaucoup dans le grave, quelques notes relativement aigües (disons, au-dessus du sol) sont demandées dans des nuances très douces (première pièce), ou au contraire dans des gestes de tension (deuxième pièce).

Au final, j’avoue ne pas trop savoir que penser de ces trois pièces. Il me semble, mais ce n’est qu’une impression, qu’elles forment, chacune avec sa propre couleur, un (tout) petit cycle relativement équilibré, tant d’un point de vue esthétique qu’en ce qui concerne l’écriture vocale. Pour ma part, comme j’ai essayé de l’expliquer plus haut, cette partition restera associée à une période de ma vie qui m’a apporté davantage de questions que de réponses.

Comme s’il y en avait jamais d’autres.

Bonne lecture !
Valentin.


[1On peut s’en réjouir ou s’en désoler ; je suis en général plutôt de la première école.

[2À rapprocher du « vous êtes trop intelligent pour être pianiste » que je citais ici.

[3Où j’estime pourtant avoir produit la meilleure performance de mon existence de pianiste (opinion d’ailleurs partagée par une bonne moitié du jury)...

[4Et plus primairement, pour bomber le torse et jouer les grands compositeurs — que je n’étais pas encore...

[5Je ne puis pas.

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